« Car l’homme n’est pas ici-bas pour produire et pour consommer, produire et consommer n’aura jamais été que l’accessoire, il s’agit d’être et de sentir que l’on existe, le reste nous ravale au rang de fourmis, de termites et d’abeilles. »
Albert Caraco

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Samira El Ayachi

Samira EL AYACHI

Le ventre des hommes
L'Aube

3 | 350 pages | 06-08-2021 | 22€

en stock

« Le ventre des hommes » mène de front deux histoires naturellement intimement liées puisqu’il s’agit de celle d'un père et de sa fille. Cette jeune femme, après des études supérieures (la première fille de la cité des mines à faire des études), est devenue enseignante et comme un héritage de son père « plus républicain que la République même », a appris à rester droite, debout, ne jamais baisser les yeux (« Laisse jamais quelqu’un te casser. »), à ne pas rester soumise aux injonctions de la hiérarchie... Elle revient sur son enfance, multicolore, multilangue, pleine d’imagination et de lumière. Son père fait partie des 3000 mineurs marocains exilés dans les années 70, mineurs dans la pratique seulement puisqu’ils n’auront même pas accès au statut de mineur même si « On mange la mine. On dort la mine. On sent la mine. » : difficultés et âpreté du métier renforcées par cette mise à l’écart. Et le père va lutter pour leurs droits tout regardant sa fille grandir, espérant en son émancipation notamment par l’école. Donc Hannah revient sur sa joie d’apprendre, son amour des mots, l’apprentissage et la découverte d’une nouvelle langue (« Je découvrais à mes dépens l’existence de passages secrets à la surface même de la langue française, cette coquine. ») qui marque aussi une rupture voire une forme d’abandon avec la maison mère, son envie d’indépendance et d'ascenseur social, sa tendresse absolue pour son père même dans ses colères, l’appréhension de sa différence en tant qu’adolescente, puis la prise de conscience des injustices, de son milieu et de ses origines. Les phrases claquent, style haché qui montre bien l’urgence permanente dans laquelle vit la famille. Un hommage émouvant et tendre, une belle histoire d’amour entre une fille et son père sur fond d’exil, d’immigration et de monde ouvrier.

Ecouter la lecture de la première page de "Le ventre des hommes"

Fiche #2733
Thème(s) : Littérature française


Samira EL AYACHI

Les femmes sont occupées
L'Aube

2 | 242 pages | 06-08-2019 | 20€

Petit Chose est né avec une mère et un père. Néanmoins, le 14 juillet, pétard inattendu et violent, il ne grandira qu’avec sa mère et seulement quelques week-ends avec son père qui est parti. Garde classique à la demande du père, la garde est accordée à la mère, c’est la normalité, elle le souhaitait évidemment ? Elle est heureuse, n’est-ce pas ? Elle doit finir une pièce de théâtre, tenter de la vendre, finir sa thèse, assurer ses cours et ses corrections, changer la couche et faire les courses puis le ménage, alors cette normalité, elle est prête à la remettre en cause. Pourquoi dans le cadre d’une séparation, la femme doit-elle seule assumer un enfant et totalement son quotidien ? Qui a décidé de cet état de fait et de cette normalité ? Les hommes ? Courir, courir toujours, après le temps qui passe devant les tâches immenses, celles déjà effectuées, celles qu’il reste à faire, burn-out annoncé. Le planning déborde, seules les Wonder Woman réussiront. Alors elle tente d’endosser le costume avec toujours l’impression de ne pouvoir y arriver, comment grandissent les enfants de mère solo, que deviennent-ils ? Evidemment, la désertion du père l’obsède, colère froide, et la place de l’homme dans le couple et dans la famille est disséquée, remise en cause. La lutte doit continuer et le combat est loin d’être gagné, « Ne rien lâcher », même elle, parfois, reconnaît, « Tu te rends compte à quel point ton intelligence est infectée par des idées toutes faites. » Et puis, l’impression de se faire manger par Petit Chose, petit prince cannibale qui l’empêche de vivre autre chose que lui, mur infranchissable qui entrave sa vie de femme, sa vie intime, sa vie professionnelle et sociale, sorte de retrait du monde, de la vraie vie. Culpabilité et honte de ce sentiment inavouable, impossibilité de le partager avec qui que ce soit, tabou absolu. Très occupée, le chemin sera donc long et chaotique pour à nouveau croire en l’autre, surtout s’il est homme, mais aussi pour admettre la place du père (d’autant plus qu’il l’a choisie seul) aux côtés de Petit Chose. Un roman coup de poing non dénué d’humour sur la séparation, la maternité, notre société toujours aussi patriarcale et les vieux réflexes ancrés dans notre inconscient et la lutte toujours à mener (par les femmes et les hommes) pour qu’ils deviennent définitivement surannés.

« L’amour fini a toujours besoin de radoter. »

« L’enfant n’est pas un temps mais une géographie, il suffit de poser le doigt au bon endroit, et le paysage se déplie. »

Ecouter la lecture de la première page de "Les femmes sont occupées"

Fiche #2387
Thème(s) : Littérature française


Samira EL AYACHI

Quarante jours après ma mort
L'Aube

1 | 234 pages | 29-06-2013 | 16.8€

Le narrateur est mort. A trente-cinq ans. Définitivement. Certes, il l’a voulu. Son corps est rapatrié au Maroc, mais ses parents absents, il faut qu’il patiente. Il patientera. Longtemps. Quarante jours. Et chacun lui rendra visite, une dernière fois, viendra devant sa dépouille et parlera sans retenue, enfin. Les révélations se succèdent, le voile se lève. Il écoutera et entendra. Souvent avec surprise, faut-il être mort pour connaître son entourage ? Les démons se dévoilent, les secrets jaillissent. Le discours est réaliste, sans concession, vif, souvent ironique. Les coutumes et croyances sont décrites sans lourdeur, « On servira à manger au peuple, et on ne saura plus si l’on fête ou si l’on deuille. », en espérant que le dessert ne soit pas trop long à arriver !

« Autour de moi, les garçons et les filles oscillaient entre trois expectatives mythiques. Celle de Baudelaire et de ses paradis artificiels. Celle d’Artaud et de ses hôpitaux. Celle de Bukowski au cœur d’une folie ordinaire. Il n’y avait de place pour rien. Ni devant ni derrière. »

« A Paris, mon père n’est qu’une ombre arabe parmi les les ombres arabes. Personne ne le connaît autrement qu’en habit d’ouvrier. Mais à Fès, mon père est un Autre. Un homme qui en impose. »

Ecouter la lecture de la première page de "Quarante jours après ma mort"

Fiche #1317
Thème(s) : Littérature étrangère